Au sortir de la Deuxième Guerre Mondiale, Henri Houillon fonde – en 1947 – la Joaillerie Houillon et s’installe au Mans, la ville dans laquelle il a été mobilisé durant le conflit. La maison, installée au 15 de la rue Saint-Benoit n’a pas depuis changé d’adresse. La maison se transmet de génération en génération : Bernard, puis Mylène… En 2016, la maison est reprise par Adélaïde Hugedé, ancienne apprentie de Bernard Houillon. Aujourd’hui, elle accueille au sein de cette belle institution mancelle deux apprenties : Léa Martin qui prépare son CAP art et techniques de la bijouterie mais, également, Aline Boulay qui prépare son CAP sertissage. Nous les avons rencontrées !
1- Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez choisi de travailler dans le domaine de la joaillerie et quel est votre parcours professionnel jusqu’à aujourd’hui ?
Adélaïde : Bonjour, je m’appelle Adélaïde Hugedé et j’ai donc le plaisir d’accueillir dans mon entreprise deux apprenties qui suivent leurs cursus à l’Institut de Bijouterie de Saumur. Ma formation a duré 9 ans ! J’ai d’abord fait une première année de formation en bijouterie à Saint-Amand-Montrond, puis j’ai passé 8 années à l’IBS. Je suis rentrée en apprentissage à la suite d’un stage chez Mercier Lebaron (Le Mans) où je suis restée 2 ans. Là, je me suis fait la main sur les réparations et j’ai appris de nombreuses choses. Je suis ensuite allée chez Cyrille Pommeau à Brissac où j’ai fait une année. Je suis enfin rentrée chez M. Houillon où je suis restée durant 5 ans. A l’origine, je ne connaissais absolument pas la bijouterie. Ma mère m’en avait parlé mais j’avais finalement choisi de faire un Bac Arts Appliqués ; c’est pendant cette formation que j’ai découvert le travail de la matière mais le manque de pratique manuelle m’a profondément marqué. J’avais besoin de toucher, de faire. Comme je m’étais intéressée au bijou lors de cette formation, j’ai creusé dans cette voie et je suis rentrée au lycée pour me familiariser avec ce métier. Ensuite les choses se sont enchainées. Il y a quelques années, la famille Houillon voulait arrêter et transmettre sa maison. J’étais bien dans cette structure, l’envie de continuer l’aventure m’a fait sauter le pas ! Léa : Bonjour à tous et à toutes, Je m’appelle Léa martin, je suis en première année de CAP et avant ça, je n’étais pas du tout dans le même domaine. J’ai d’abord fait un Bac Economique et Social puis un BTS Tourisme. Mais ça ne me ressemblait pas. J’ai toujours voulu faire des bijoux, aussi loin que je m‘en souvienne. Mais j’étais dans le domaine général et que je n’osais pas me lancer. On ne m’avait jamais proposé l’apprentissage, donc, je ne connaissais pas vraiment le moyen d’apprendre ce métier. Finalement, arrivée à 22 ans, j’ai sauté le pas. Et cela me convient parfaitement. Je suis donc aujourd’hui apprentie chez Adélaïde au Mans et élève à l’IBS en parallèle. Aline : Bonjour, je m’appelle Aline Boulay et j’ai découvert la joaillerie quand j’étais au collège. Je suis allée faire des stages et je manquais d’idées quant à mon orientation professionnelle. Un ami qui était dans le domaine de la bijouterie m’a proposé de venir chez lui. Et ça a été un véritable déclic ; je n’ai plus jamais voulu faire autre chose. Je sortais de 3e et j’ai cherché un apprentissage ; mais mon âge ne m’aidait pas et les employeurs ne voulaient pas prendre une personne si jeune. J’ai donc continué en lycée général et j’ai appris que pour faire un CAP art et techniques de la bijouterie à Saint-Amand, il était mieux d’avoir un Bac Arts Appliqués. Je suis donc repartie en 2nde pour faire ce cursus et je suis enfin arrivée en bijouterie. 2- Pourquoi avoir choisi la voie de l’apprentissage et qu’est-ce que cela vous apporte ou vous a apporté ?
Adélaïde : L’apprentissage pour moi, c’est la meilleure voie. On est confronté à la réalité d’une entreprise et le taux d’insertion pour les apprenants est bien meilleur. Trouver des stages avait déjà été difficile alors je savais que trouver un apprentissage ne serait pas simple mais je me suis accrochée. A Saint-Amand, j’avais trouvé un livre sur les Meilleurs Ouvriers de France et on parlait de M. Houillon dans cet ouvrage. Je me suis dit, c’est chez lui que je veux aller. J’ai obtenu un rendez-vous chez lui mais j’étais trop jeune pour cette entreprise. Il m’a conseillé l’entreprise Mercier Lebaron. Finalement, les trois années avant d’arriver chez lui ont été extrêmement bénéfiques. J’avais acquis des techniques et de la maturité. Je me sentais prête. Je ne comprends toujours pas que l’on puisse dénigrer l’apprentissage et je suis contente de voir que celui-ci progresse et revient sur le devant de la scène. Ce mode de formation est absolument parfait. J’ai aimé le côté pratique en entreprise, la mise en situation permanente. L’école m’apportait un cadre plus théorique que j’appréciais beaucoup. Je me souviens que je n’ai jamais compté mes heures, j’avais cette envie d’apprendre, j’y ai investi tout mon temps et mon énergie pour atteindre une qualité de travail irréprochable. Je crois que c’est ça, justement, l’apprentissage : il faut donner beaucoup car on reçoit bien plus ! Léa : Ces premiers mois sont vraiment fabuleux. Je ne pensais pas que j’apprendrais autant de techniques en si peu de temps. La période de Noël à l’atelier m’a même permis de créer mes premières pièces. Je n’imaginais pas qu’on pouvait me confier de si belles choses dès le départ. Alors j’ai encore énormément à apprendre, je suis au tout début de mon parcours, mais c’est déjà tellement enrichissant que je suis très heureuse du choix que j’ai fait ! Par ailleurs, le coté professionnel est tellement concret, avec les clients, le fonctionnement d’une boutique, les responsabilités. Et il se complète parfaitement avec les cours théoriques qui sont nécessaires pour enrichir ses connaissances. Je pense d’ailleurs que c’est ce juste équilibre entre les deux qui permet d’apprendre vite et bien ! Aline : J’aime cette voie car nous sommes dans le concret et c’est très important pour moi. Il y a les commandes clients, nous sommes directement en face des difficultés et des problèmes. L’école n’était pas assez concrète pour moi et j’avais besoin de ça justement. Être confrontée à des choses compliquées me permet d’évoluer et de trouver des solutions. J’ai le sentiment d’apprendre bien plus avec Mme Hugedé qu’en étant juste à l’école où on ne voit pas les pièces clients, les pierres qui ont des problèmes. La pression n’est pas la même. Ça donne un sens différent au quotidien et le contact avec les clients est primordial pour progresser. 3- Comment avez-vous connu l’établissement de Saumur et pourquoi avoir décidé de venir vous former ici (ou de faire former vos apprentis ici) ?
Adélaïde : C’est un peu le hasard en fait. Chez Mercier Lebaron, les apprentis allaient à Saumur. C’était pratique, pas trop loin. L’école m’a plu, son ambiance, ses professeurs. Du coup, je continue comme cela aujourd’hui et j’envoie mes apprenties ici aussi. Léa : J’ai connu Saumur grâce à un membre de ma famille qui est venu à une conférence sur les émeraudes et à qui j’avais parlé de mon idée de m’orienter dans le domaine de la joaillerie. Elle m’a conseillé de venir visiter l’école durant les portes ouvertes et c’est ce que j’ai fait. Finalement, j’ai donc choisi cette école en accord avec mon maitre d’apprentissage et je suis vraiment contente de ce choix. L’école est très agréable et je m’y sens vraiment bien ! Aline : En fait, quand j’ai commencé à chercher une école, j’ai découvert l’institut de Bijouterie de Saumur. C’était l’école la plus proche de chez moi et comme j’avais 15 ans, je ne voulais pas partir trop loin. Quand j’ai connu Mme Hugedé, Saumur avait été son école donc c’était un processus naturel que de venir ici. Et je suis très contente d’être apprentie ici. 4- Quels sont vos plus beaux souvenirs d’apprentissage ?
Adélaïde : Je crois que j’ai des souvenirs dans chacune de mes formations. Mon perfectionnement avait marqué Rémi Bonneau. J’ai vraiment aimé apprendre le sertissage avec M. Griffon, j’ai gagné en confiance en moi en apprenant à sertir les pierres. Le BMA fut une période de rigueur et d’exigence, j’ai aimé les recherches historiques. Il y a eu beaucoup de nuits blanches mais le résultat en valait la peine. Enfin, la gemmologie… Que de souvenirs avec M. Lamiraud ! Ce furent deux années assez exceptionnelles. Je me souviens plus particulièrement du projet d’aller à Idar-Oberstein pour rencontrer les Munsteiner. On s’est mobilisé pour concrétiser cette idée et quel voyage ce fut ! Léa : Pour moi, c’est encore un peu tôt mais, quand même, la période de Noël à l’atelier m’a beaucoup marqué. C’était rude parce qu’il y avait tellement de travail et en même temps c’est palpitant. Il fallait être à fond tous les jours pour honorer les commandes et les demandes de nos clients. J’ai vraiment adoré cette énergie permanente ! Après, je dirais que la bague fleur que l’on a réalisé avec notre professeur de métal, Mme Aurélie Dauléac, restera un bon moment dans ma tête. Parce que c’est ma première « grosse pièce » à l’école, que le projet était très technique, qu’il a demandé de trouver des ressources pour le réaliser et que le résultat a été vraiment super. Je ne m’attendais pas à faire une bague si imposante et complexe au bout de quelques mois de formation. Aline : Pour moi, c’est d’abord le retour des clients. Parfois ils veulent me remercier directement et Mme Hugedé me transmet les messages des clients de la boutique. Ça parle de mon travail et quand je peux faire plaisir aux gens, c’est vraiment important. Que ce soit positif ou négatif, c’est ce qui me motive pour m’améliorer, faire toujours mieux. Parfois, je « galère » sur certains projets, certaines réparations, mais quand on y arrive, c’est tellement gratifiant. 5- De votre point de vue personnel – apprenti ou maitre d’apprentissage – quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui veulent aujourd’hui se former aux métiers de la joaillerie ?
Adélaïde : Il faut surtout retenir que ce ne sera pas tous les jours facile. Il vous faudra persévérer, avoir la volonté et l’envie d’apprendre. Il faudra recommencer et recommencer jusqu’à obtenir le résultat attendu. Mais cela vaut vraiment la peine de ne pas compter ses heures, d’apprendre encore et toujours, de s’investir dans sa formation et d’engranger des connaissances. Rechercher l’excellence est ce qui doit vous guider du début à la fin ! Léa : Il ne faut pas hésiter à venir aux portes ouvertes des établissements pour rencontrer des apprenti(e)s et les enseignant(e)s pour comprendre le secteur et les différents métiers. C’est un métier complexe qui offre la possibilité d’apprendre tellement de choses que l’on ne peut pas s’ennuyer. Après, il y a beaucoup de travail à l’école et en entreprise. Les bases ne sont pas faciles à acquérir mais cela vaut vraiment la peine car quand on commence à faire des pièces difficiles, on se dit qu’être assidu et rigoureux dans son travail en valait vraiment la peine ! Aline : Il faut choisir l’apprentissage même si c’est vraiment difficile quand on commence. En général on débute en septembre et la période de Noël arrive très vite et c’est vraiment un moment chargé et impressionnant à passer. Après 3 ans d’apprentissage, je ne suis toujours pas à l’aise avec ce moment de l’année car la pression est très importante, il y a beaucoup de travail et ça demande d’être à fond en continu. L’apprentissage me permet de voir des pièces incroyables, des pierres magnifiques, donc c’est le meilleur conseil qu’on puisse donner. D’autant qu’avec la 3D, la pratique manuelle se perd et le métier change. Et justement, je m’amuse vraiment en étant à l’établi. Si un jeune aime le coté manuel, il faut foncer pour trouver une entreprise. Après, il faut une sacrée dose de motivation. Parfois c’est vraiment dur, on n’y arrive pas, ça ne fonctionne pas comme on voudrait. Alors il faut trouver les ressources et pour moi, ce sont les retours des clients et de ma patronne qui me permettent d’avancer et de ne pas me décourager pour apprendre toujours plus. Elle m’a donné ma chance, alors je ne veux pas la décevoir.